Cour des comptes, 22/07/2025 - Commune de Provin (Nord), Affaire n° 85, n° S-2025-1041
La Cour des comptes continue d’étoffer sa jurisprudence relative à la responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) avec un arrêt du 22 juillet 2025. Cette fois-ci, un directeur général des services (DGS) est inquiété car il a signé « des devis ou des bons de commande, avant les élections municipales de 2020, pour un montant supérieur à celui prévu par la délégation de signature du maire dont il disposait alors et, après ces élections, en l’absence de toute nouvelle délégation de signature avant décembre 2022 ». Plafond dépassé Concrètement, ce DGS avait reçu en 2016 délégation de signature du maire en fonction « à l’effet de signer les bons d’engagements d’un montant inférieur à 3 000 € ». Mais il a signé, entre septembre 2019 et mai 2020, quatre actes d’engagement dont le montant était supérieur à ce plafond. Ce n’est pas tout. Après les élections municipales de mai et juin 2020 et la réélection du maire, aucune nouvelle délégation de signature n’a été octroyée au DGS avant fin 2022 : entre-temps, pourtant, il avait signé 27 actes d’engagements. Pour quelles sommes ? Avant mai 2020, pour un montant de 27 993,60 € TTC, en excédant le montant mentionné par la délégation qu’il avait reçue du maire en 2016 et qui était de 3 000 €. Après mai 2020, en l’absence de toute délégation reçue du maire nouvellement réélu, les engagements irréguliers se sont élevés à 176 275,82 € TTC. Attention en début de mandat Par cet arrêt, la Cour appelle l’attention des gestionnaires publics sur les effets des réélections sur les délégations de signature consenties par un maire à un agent de direction, en application de l’article L. 2122-19 du code général des collectivités territoriales. Car attention : elles cessent de produire effet à la fin du mandat de l’élu, même si l’élection a conduit à la réélection du maire délégant et que le collaborateur délégataire est maintenu dans ses fonctions. En effet, la Cour rappelle que les fonctions du maire, même réélu, cessent à la fin de son ancien mandat. Dès lors, l’article L. 2122-20 du code général des collectivités territoriales, qui dispose qu’à défaut de retrait, une délégation a une durée égale à celle du mandat, « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet d’empêcher la caducité de cette délégation à l’issue de ce mandat ». Ainsi, le DGS a enfreint la règle en vertu de laquelle les dépenses d’un organisme ne peuvent être engagées que par les personnes juridiquement habilitées à le faire selon les règles applicables à l’organisme concerné, explique la Cour. Pouvait-il cependant être exonéré de sa responsabilité, en raison de l’ordre préalable de son supérieur ? Après tout, le 1° de l’article L. 131-6 du code des juridictions financières dispose que les justiciables ne sont passibles d’aucune sanction s’ils peuvent justifier, notamment, d’un ordre écrit préalable émanant de leur supérieur. Mais ici, les injonctions du maire invoquées par la défense n’ont pas été formulées par écrit. Circonstances aggravantes Dans cette affaire, la Cour a retenu des circonstances aggravantes particulières : ce justiciable était DGS depuis longtemps et même maire d’une autre commune. « Il ne pouvait donc ignorer les règles fondamentales régissant la capacité d’engager les finances d’une collectivité territoriale », relève la Cour. En termes de circonstances atténuantes, la Cour refuse de retenir les pressions que pouvait subir ce DGS de la part du maire présenté comme « directif et exigeant une exécution rapide des achats ou des travaux à effectuer ». Peu importe par ailleurs si ces dépenses ont été engagées dans le seul intérêt de la commune et sur injonction orale ou après accord oral du maire. Pour la Cour, son rôle de DGS impliquait que ce justiciable vérifie qu’il disposait bien de la compétence que le maire lui demandait d’exercer et à l’informer de la caducité des délégations après une élection municipale. Surtout que dans la commune où il était lui-même maire, son DGS bénéficiait d’une délégation de signature : les règles ne lui étaient donc pas inconnues… Il est condamné à une amende de 1 500 €. Un arrêt à retenir quand viendront les prochaines élections municipales de 2026.